
Il arrive qu’un homme, sans abri, assis sur le trottoir, dans sa misère nue, touche plus profondément l’humanité que tous ceux qui vivent au chaud. Non pas parce qu’il souffre, mais parce qu’il expose. Parce qu’il n’a plus d’écran, plus de costume, plus d’illusion. Parce qu’il est là, entier, insoutenable. Pendant ce temps, d’autres hommes, bien logés, bien nés, vivent de rentes qu’ils n’ont pas façonnée, traversant le monde sans le toucher. Leurs existences se déroulent en huis clos, sans offrande, sans vibration. Ils ne perturbent rien, ne densifient rien. Et même eux, quelque part au fond de leur être, ils sentent que quelque chose manque. Il ne s’agit pas ici de sacraliser la pauvreté ni d’en faire une voie mystique par défaut, ou encore de diaboliser l’abondance matérielle. Mais plutôt de repositionner les choses là où elles doivent être et reconnaître que ni l’argent, ni le statut social ne constituent une finalité valable. Ils ne sont pas, et ne seront jamais, la véritable richesse de l’humanité — celle qui sait honorer le vivant, non dans ce qu’il possède, mais dans ce qu’il offre de plus nu, de plus vibrant, de plus beau.